12/06/2007 – 16h09 – © Reuters
Quatre ans après son lancement, Roshan, la première société de téléphone mobile d’Afghanistan, enregistre pour la première fois des bénéfices annuels et indique que le marché gagne environ 100.000 nouveaux clients par mois.
Première société de téléphone mobile d’Afghanistan, Roshan vient d’enregistrer pour la première fois des bénéfices annuels, quatre ans après son lancement.
Certes, ses employés doivent prendre quelques précautions contre les explosions de mines et les enlèvements, et les taliban auraient menacé de faire sauter ses tours de communication. La plupart de ses 1,3 million de clients ne savent ni lire, ni écrire.
Mais à part cela, son directeur britannique, Altaf Ladak, se veut résolument optimiste.
“Heureusement, nous n’avons perdu aucun membre de notre personnel, même si, il y a un an et demi, un sous-traitant a été tué. Mais c’était quelqu’un qui ne respectait pas les règles de sécurité”, nuance-t-il. “Il a été enlevé et décapité.”
L’Afghanistan n’en reste pas moins une zone de guerre où les taliban, renversés lors de l’intervention américaine de la fin 2001, continuent de harceler les forces gouvernementales soutenues par 50.000 militaires étrangers.
Les attentats suicides, les enlèvements, les explosions de bombes et autres violences sont le lot quotidien des quelque 30 millions d’Afghans.
Les étrangers travaillent dans des bureaux dont l’accès est protégé par des blocs de béton, des blindés de l’Otan sillonnent les rues et tout Afghan en uniforme porte un fusil d’assaut AK-47.
Mais pour la première fois, les téléphones portables pourraient bien dépasser en nombre les armes dans les rues afghanes.
Seuls huit pour cent des Afghans possèdent un GSM mais le marché gagne environ 100.000 clients par mois, selon la Telecom Development Company Afghanistan Ltd, mieux connue sous le nom de Roshan (“lumière” en dari, l’une des langues locales).
“En terme de pénétration, il s’agit aujourd’hui du marché dont la croissance est la plus rapide au monde”, précise Ladak en faisant visiter la boutique fraîchement repeinte de Roshan à Kaboul.
PICTOGRAMMES POUR LES SMS
Ce magasin ressemble à n’importe quelle boutique de téléphones mobiles au monde, si ce n’est, à l’entrée, la présence d’un agent de sécurité, et sur la porte un pictogramme représentant un AK-47 barré de rouge interdisant l’accès aux personnes armées.
Le mois dernier, des médias locaux ont rapporté que des taliban avaient menacé de détruire les tours de communication de Roshan en accusant la compagnie d’avoir fourni leurs numéros de téléphone aux militaires américains et afghans.
“Nous en avons entendu parler”, dit Ladak en évoquant les informations diffusées par les médias. Mais il affirme que Roshan n’a jamais reçu de menace directe des taliban et qu’aucune de ses tours n’a été détruite.
Parfois, des personnes sont enlevées, leurs ravisseurs téléphonent pour réclamer une rançon, et un proche supplie Roshan d’identifier le preneur d’otage grâce à son numéro.
Mais Roshan assure qu’il ne révèle l’identité d’un client à personne d’autre qu’au ministère des Communications.
Roshan allie l’entreprise commerciale à l’aide au développement. Il est détenu majoritairement par un riche bienfaiteur, le prince Karim Aga Khan, mais Monaco Telecom, dont le principal actionnaire est la compagnie britannique Cable & Wireless, y détient aussi une participation.
Il contrôle la moitié environ du marché afghan, devant son principal concurrent, Afghan Wireless, entreprise privée soutenue par l’homme d’affaire afghan Ehsan Bayat, aussi connu pour ses actions de bienfaisance.
Roshan a enregistré un revenu de 150 millions de dollars en 2005 et son chiffre d’affaires croît annuellement de 20 à 30%, précise Ladak, ajoutant que l’entreprise emploie un millier de personnes, afghanes pour la plupart.
Mais les défis ne relèvent pas toujours de la sécurité. Par exemple, on s’attendrait à ce que les SMS, beaucoup moins chers que les appels, soient très utilisés, mais la majeure partie de la population ne sait ni lire ni écrire.
Roshan a réagi en mettant au point un système de pictogrammes permettant d’échanger des informations de base.
Quant à savoir si la compagnie sera un jour cotée en Bourse, “Ce n’est pas notre philosophie”, explique Ladak. “Notre philosophie est d’être ici sur le long terme et de nous préoccuper davantage du côté social et du développement rural”.